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Petite histoire d'un manuscrit (2/2)

Les premières semaines ont été les plus difficiles. Chaque manuscrit, porteur de tous mes espoirs, vivait dorénavant sa vie. Il n’y avait rien d’autre à faire qu’attendre. Appeler pour savoir où ça en était ? Certainement pas. Les maisons d’édition reçoivent chaque semaine des dizaines, voire des centaines de manuscrits : j’imaginais ma grosse enveloppe posée au milieu d’une pile bancale d’autres enveloppes tout aussi précieuses pour leurs auteurs. Mais je gardais espoir : pas de nouvelles, mais pas de refus non plus.

Le premier est arrivé au bout de deux mois. La gardienne a sonné à la porte – « un paquet pour vous ». J’ai tout de suite reconnu mon enveloppe en Kraft renforcé. C’est le cœur battant et un peu triste que je l’ai ouverte, pour savoir qui avait refusé mon manuscrit. Une très grosse maison d’édition, pas ma préférée. J’ai lu en diagonale le courrier qui accompagnait leur refus : ils avaient pris le temps de me donner quelques conseils et de faire des commentaires. Je l’apprendrai plus tard, mais c’est plutôt rare, et déjà très encourageant. Un peu désappointée, j’ai rangé cette lettre décevante dans une pochette en me disant, pour essayer de me rassurer, qu’il en restait encore sept.

Le deuxième refus m’est parvenu la semaine suivante. Toujours pareil : la gardienne, l’enveloppe, la lettre, la pochette. Allez, garde le moral, Madeleine, il en reste encore six.

 

Puis cinq.

 

Puis quatre.

 

Puis trois.

 

Puis deux.

 

Quand il n’en est plus resté qu’une, j’avais perdu toute confiance en moi : sans doute n’étais-je pas faite pour écrire… Ma mère, qui m’avait toujours encouragée, se serait-elle trompée ? Et si je n’étais finalement qu’une bloggeuse marrante qui raconte ses petites histoires ? Je me rassurais en pensant à J.K Rowling, qui avait reçu une douzaine de refus pour son manuscrit d’Harry Potter. Comment avais-je pu être si prétentieuse ? Mon manuscrit n’était sans doute pas assez abouti, pas assez travaillé. J’aurais pu creuser davantage certains personnages, aller plus au fond des choses. J’ai fini par me faire à l’idée que mon roman ne serait jamais publié et accepter que je n’étais peut-être pas faite pour écrire. La vie a repris son cours, avec des journées bien remplies. Le temps passant, j’ai fini par oublier qu’une maison d’édition ne m’avait pas renvoyé mon manuscrit.

 

Jusqu’à ce coup de fil incroyable.

 

Les Editions de la Martinière avaient adoré mon roman et voulaient le publier. Dans cinq mois. Autant dire demain. Pour la première fois, on me disait ce que j’avais toujours rêvé d’entendre secrètement : vous avez du talent…