Finir un roman

J'ai fini mon nouveau roman !

Comment se sent-on quand on met le point final à un nouveau roman ? Excitée ? Impatiente ? Euphorique ? Je viens de finir ma nouvelle histoire, et je ne ressens rien de tout cela. Juste un immense soulagement d'en avoir fini...

Quand j'ai publié mon premier roman aux Editions de La Martinière, je me suis demandé s'il s'agissait d'un coup de chance qui ne se reproduirait jamais. Et si je n'étais que l'autrice d'un seul livre ? Et si j'avais touché du doigt ce doux rêve de devenir un jour une "vraie" écrivaine pour qu'il se brise juste après ? Ah, l'éternel syndrôme de l'imposteur... Finalement, j'ai décidé de me faire confiance. Ne pas me mettre trop de pression. J'ai toujours eu envie d'écrire, de raconter des histoires, et je n'ai jamais eu besoin de vendre des livres pour partager mon travail !

Puis les choses se sont mises en place. Depuis quelques mois, une idée me trottait dans la tête mais rien de concret. Des bribes d'histoires, des petits bouts d'un début de quelque chose. Un jour, au hasard d'une conversation avec mes éditrices, je leur en ai parlé. "C'est génial !" m'ont-elles dit. Peu après, je signais avec beaucoup d'émotion un contrat pour ce nouveau projet qui n'existait que dans ma tête. Un vrai défi. Un histoire complexe, avec un contexte historique lourd. Un challenge passionnant mais qui me faisait très peur. Comment le relever ?

6 mois pour écrire mon livre !

Le 1e septembre 2019, j'ai donc créé un document Word et ai commencé à écrire cette nouvelle histoire. Pendant l'été, j'avais profité de mon séjour en Haute-Loire pour me documenter, prendre des notes, repérer des lieux, m'inspirer... J'ai passé des heures à lire des témoignages, parler avec des gens qui avaient vécu pendant la guerre, visualiser, imaginer, me projeter, ressentir. Trois semaines plus tard, j'avais la trame, les protagonistes, les grandes scènes... Mais une fois assise devant mon ordinateur, j'ai réalisé l'ampleur de ce que j'allais devoir accomplir. Mon contrat prévoyait une date de remise du manuscrit au 1er mars 2020. Pendant 6 mois, je suis donc restée enfermée chez moi, refusant les invitations, les soirées, les fêtes entre amis, les dîners, les week-ends à la campagne. "Je dois écrire", répétais-je en permanence à un entourage pas toujours compréhensif. "C'est bon, c'est juste une soirée". Sauf que non, c'était bien plus que cela.

J'avais un job à plein temps et un petit garçon de deux ans : autant dire que mon temps libre était limité et que j'ai eu bien du mal à voler des moments d'écriture. Alors j'ai dû apprendre à écrire quand je le pouvais, et non quand l'inspiration était là. Un exercice difficile. Parfois, je sentais une scène se dessiner dans ma tête : il aurait fallu que je la pose immédiatement sur le papier mais impossible. A l'inverse, pendant les plages d'écriture programmées, je devais m'assurer d'être inspirée. Et tous ceux qui écrivent savent que l'inspiration, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !

J'ai appliqué la "méthode des petits pas" et le 1er mars, j'envoyais le premier jet de mon manuscrit à mes éditrices. Je me sentais fière, heureuse, à la fois impatiente et anxieuse d'avoir leurs retours sur ce livre qui m'avait coûté ma liberté pendant une demi-année. Je comptais bien me rattraper et en profiter pour sortir, aller au théâtre, au restaurant, pour vivre quoi ! C'était sans compter sur l'arrivée du Covid et le confinement, 10 jours plus tard.

Après avoir passé 6 mois enfermée dans ma cuisine à écrire, me revoilà à nouveau coincée chez moi. Un comble.

 7 mois d'attente

Ce n'est que 7 mois plus tard que j'ai eu les retours de ma maison d'édition sur mon manuscrit. Un temps qui m'a semblé interminable, mais la situation exceptionnelle que nous vivions a fortement impacté le monde littéraire et tout était bouleversé. Finalement, cette longue période d'attente m'aura permis de prendre du recul sur mon texte. Car début octobre, mes éditrices sont revenues vers moi avec un immense défi à relever (encore un !). Une superbe opportunité qui me demanderait de finaliser le texte pour le mois de novembre. Evidemment, il n'aurait pas pu y avoir pire timing. Je venais de démissionner pour changer de poste : commencer un nouveau job et retravailler un manuscrit sont deux activités qui demandent une concentration extrême et un investissement à 100%. Mais je n'ai pas baissé les bras : "quand on veut, on peut", me disait toujours ma mère.

Ca fait quoi de terminer ?

Ce dimanche 15 novembre, après six semaines de corrections, d'échanges avec mon éditrice et de travail sans relâche (et je ne parle même pas de la sale crève qui m'a achevée pendant les deux dernières semaines de ce sprint), enfin, j'ai terminé. J'ai envoyé mon mail "Version finale", avec un peu d'émotion. Ce moment que j'attendais depuis des mois. Enfin, mes personnages vont vivre leur vie. Pendant mes mois d'écriture, ils avaient déjà pris leur indépendance. Parfois, ce que j'avais prévu ne collait pas et je changeais tout : l'histoire semblait s'écrire malgré moi. Comme si mes héros vivaient leur propre vie, dont je n'étais finalement qu'une spectatrice. C'est là tout le mystère de l'écriture ! En fermant pour la dernière fois mon document Word je n'arrivais même pas à me sentir heureuse. Je ne réalise pas. "C'est dans la boite", comme le dirait un réalisateur à la fin d'un tournage. Maintenant, ces personnages ne m'appartiennent plus. C'est écrit, c'est fini, on ne touche plus à rien. Aux autres maillons de la chaîne du livre de prendre le relai, j'ai fait ma part.

Lorsque j'arrive à la fin d'un livre, je suis physiquement à bout. Toutes ces heures passées à retravailler le texte, penser chaque mot, chaque phrase, réfléchir au moindre détail, traquer la plus petite maladresse, tout cela m'épuise, me prend toute mon énergie (littéralement). Nous avons tenu les délais, pari gagné. Maintenant, j'ai envie de passer à autre chose. Je suis vidée. J'ai besoin de m'aérer la tête, d'oublier ce récit qui m'accompagnait au quotidien depuis plus d'un an. Je veux faire des puzzles, peindre mes santons de Noël, lire tous les livres qui prennent la poussière sur ma table de chevet, regarder des séries sur Netflix. Je n'ai même pas envie de voir des gens (dans un sens, tant mieux, vu qu'on est confinés !), j'ai envie de souffler. Je ne me sens pas capable d'écrire à nouveau. Pourtant, je sais que ce n'est que temporaire. D'ici quelques semaines, une nouvelle graine germera dans ma tête. En réalité, elle y a déjà poussé. L'histoire est là, j'attends juste que revienne l'envie d'écrire. Ca ne devrait plus tarder...

Autrice