Et finalement l'envie revient...
- Le 30/07/2020
- Dans Vie d'autrice
Depuis le 1er mars, je n’écrivais plus. Pas un mot. Pour la première fois de ma vie, j’ai eu le « syndrome de la page blanche ». Impossible d’écrire (j'en avais parlé ici), mais également de lire, de regarder un film ou de jouer de la musique. Et plus le temps passe, plus je découvre que je suis loin d’être la seule à avoir eu ce genre de réaction…
Comme tout le monde, lorsque j’ai appris que nous serions confinés, j’ai été en état de choc. Et puis je me suis dit que j’allais en profiter pour lire tous les romans qui attendent désespérément leur tour sur ma table de nuit, et avancer sur le magnifique projet sur lequel j’avais prévu de travailler avec mon mari à partir de mars. Mais les jours ont passé, puis les semaines, et au bout de deux mois, le résultat était là : je n’avais strictement rien fait !
C’est en discutant avec plusieurs personnes de mon entourage que j’ai compris que nous étions nombreux à avoir vécu la même chose. Bien entendu, personne ne ressent les situations de stress de la même manière : certains auteurs ont profité de cette parenthèse forcée pour se lancer à fond dans l’écriture (au passage, j’aimerais savoir s’il y en a parmi eux qui ont des enfants en bas âge, car franchement, si c’est le cas, je veux bien connaître leur secret). Mais nous sommes très nombreux à avoir eu la même réaction psychologique.
Pendant plusieurs semaines, notre cerveau a été soumis à un stress intense. Toute la journée, on n’entendait parler que de maladie, de morts, de virus, de masques, de pénurie de nourriture… Ce sont finalement nos besoins primaires qui ont fini par prendre toute la place dans notre tête : quand le cerveau se met en mode « survie », il se mobilise entièrement et ne laisse plus de place à rien d’autre. Pendant deux mois, je ne me suis occupée que du quotidien : faire les courses, préparer les repas, trouver des activités pour mon fils, télé-travailler, prendre des nouvelles de mes proches… Et quand venait la fin de la journée, mon cerveau faisait un black-out. Impossible de me concentrer sur quoi que ce soit, ni de me détendre. J’allais me coucher pour reprendre des forces pour le lendemain.
En revanche, je n’ai pas eu conscience de cet état pendant le confinement : ce n’est qu’avec un peu de recul que j’ai commencé à comprendre cet étrange phénomène. Pour la première fois, mon esprit (qui est habituellement assez créatif, au grand dam de mon amoureux qui se demande parfois si je ne suis pas un peu folle) était comme engourdi. J’ai eu très peur : et si je n’arrivais plus jamais à écrire ? Pire, si je n’avais plus envie d’écrire ?
J’ai décidé de faire ce que je fais toujours quand quelque chose bloque : rien. J’ai laissé faire le temps. J’ai recommencé à lire doucement : je ne me force pas, je vais à mon rythme. Ça revient lentement. Un week-end, j’ai eu envie de reprendre mon ukulélé : je n’y avais pas touché depuis si longtemps. Quel bonheur de laisser mes doigts se promener sur les cordes et de profiter d’une jolie futilité musicale…
Et puis un matin, sur le trajet du bureau, j’ai eu un flash. Un nom dans une vitrine : Segonzac. En quelques secondes, tout s’est mis en place dans ma tête : l’ébauche d’un personnage, une histoire, un drame, des scènes, des mots. Elle était là, plantée dans ma tête : la petite graine d’un nouveau roman. Après des mois de vide, mon cerveau d’écrivaine se remet en ébullition. Je n’attends plus qu’une chose : les vacances, pour avoir enfin du temps pour me mettre devant mon ordinateur et donner la vie à mes nouveaux personnages…