Sans alcool (Claire Touzard)
- Le 14/02/2021
Je n’aime pas l’alcool. Il m’arrive d’en consommer de temps en temps, parfois parce qu’il peut m’arriver d’avoir envie découvrir une saveur nouvelle mais surtout par obligation a de moins en moins. En avançant en âge, je réalise combien l’alcool a en France une importance majeure dans les relations sociales. Alors quand j’ai vu que Claire Touzard publiait un livre sur ce thème, afin de partager son expérience de l’alcool « mondain » et les réflexions nées de son abandon de l’alcool, j’ai eu envie d’en savoir plus.
Le pitch de l’éditeur :
En France, on s’avoue rarement alcoolique. Quand on boit on est festif, irrévérent, drôle. Français. Un jour pourtant, Claire arrête de boire. Elle prend conscience que cet alcool, prétendument bon-vivant, est en vérité en train de ronger sa vie. Il noyaute ses journées, altère sa pensée, abîme ses relations. En retraçant son passé, elle découvre à quel point l’alcool a été le pilier de sa construction et de son personnage de femme. Sans alcool est le journal de son sevrage. Un chemin tortueux, parfois rocambolesque, à travers son intimité. Une quête de libération complexe, dans un pays qui sanctifie le pinard. L’autrice affronte son passé, l’héritage familial, le jugement des autres.
Son récit interroge, au-delà de son expérience. Pourquoi boire est une telle norme sociale ? Alors qu’on lui a toujours vendu la sobriété comme le choix des cons et des culs bénis, elle réalise qu’on l’a sans doute flouée. Être sobre est bien plus subversif qu’elle ne l’imaginait.
Mon avis sur la question :
Traité sous forme de journal, « Sans alcool » nous invite à suivre le cheminement de Claire Touzard, une journaliste grand reporter qui voyageait aux quatre coins de la planète (la vie qui, sur le papier, fait rêver !), dans son parcours d’alcoolique (là, tout de suite, ça fait donne moins envie). On pourrait imaginer qu’un tel ouvrage ne parlerait qu’à des lecteurs touchés de près ou de loin par l’alcoolisme, mais c’est bien plus que cela. Au-delà du témoignage sur cette lente plongée dans la dépendance à l’alcool, ce livre nous invite à nous questionner sur notre propre rapport à la boisson et à réfléchir sur la place que tient l’alcool dans notre société.
En France, l’alcool est une institution. Qui imaginerait un repas de famille sans vin ? Un apéro sans une bière, un Spritz, un Martini ? Un nouvel an sans Champagne. L’alcool a la réputation d’être festif, léger, joyaux… Et à l’inverse, une personne qui refuse de boire de l’alcool est toujours vue comme un rabat-joie pas drôle. Je ne compte pas le nombre de fois où, refusant un verre d’alcool, j’ai eu droit à des questions sur une potentielle grossesse ou un problème d’alcoolisme. Comment expliquer qu’en fait, je n’en ai pas envie ? Personne ne s’étonne de quelqu’un qui ne fume pas, mais ne pas boire d’alcool dérange. En refusant de boire, c’est comme si on faisait un véritable affront à la personne qui nous l’a proposé. C’est sans doute ce qui explique que, pendant des années, j’ai fait semblant de boire dans les soirées, me baladant avec un verre d’alcool que je ne touchais pas !
Ne pas boire d’alcool, c’est aussi être confronté au quotidien à de nombreuses situations désagréables. Combien de fois me suis-je retrouvée dans des soirées à boire de l’eau, parce que mes hôtes n’avaient tout simplement pas pensé qu’un de leurs invités pourrait ne pas boire d’alcool (qui avait pourtant été prévu en abondance) ? A combien de diners au restaurant ai-je dû débourser des sommes faramineuses parce que nous avions divisé l’addition et que je participais ainsi au paiement des nombreuses bouteilles d’alcool que je n’avais pas bues ?
Ce livre m’a profondément troublée car il a mis des mots sur des questions que je me posais depuis bien longtemps : la peur d’être « la relou de service », la place des femmes dans notre société, le fait que l’alcool vient remplir un vidé, les effets du confinement sur l’alcoolisme, ma génération (celle du binge drinking : des souvenirs de mon week-end d’intégration et des soirées étudiantes me sont remontées à l’esprit et avec le recul, je les trouve tristes, pas amusantes, et complètement gâchées par les comportements alcoolisés de plusieurs de mes camarades de promo).
Tout le monde devrait lire ce livre, pour s’interroger sur son propre rapport avec l’alcool : sa consommation, son rôle, sa vision des autres qui ne boivent pas. Malheureusement, j’en viens à penser que l’alcoolisme est un problème vicieux de notre société française et qu’un travail de fond est nécessaire pour faire changer les mentalités. Il y a du boulot…