Ravalec_auteur

L'Auteur (Vincent Ravalec)

Quand tu publies ton premier livre, tu deviens officiellement écrivain (ou écrivaine, si tu es une femme. Si si, c’est comme ça qu’on dit. Tu n’es pas choqué quand tu dis souverain / souveraine, alors pourquoi le serais-tu par écrivain / écrivaine ? Médite un peu la-dessus !). Peu importe que tu écrivais déjà depuis 20 ans : pour te voir reconnaître ce titre très convoité, il te faut impérativement passer par la case de la publication. Mais là n’est pas le débat. Lorsque ton premier livre sort enfin, tu t’attends à plein de choses : ton bouquin en devanture de toutes les librairies, les demandes d’interviews qui tombent à la pelle, les rencontres avec les lecteurs, les séances de dédicaces, les salons… Et bien permets-moi de te dire que la réalité est tout autre. Et Vincent Ravalec en parle mieux que personne dans son ouvrage « L’auteur » paru en 1995.

Le pitch de l’éditeur :

Après des mois de fièvre créatrice et de solitude exaltée, on pose un jour le mot « fin » sur un manuscrit. Et l'on devient écrivain.

Mais auteur ? C'est un métier, un art dont l'apprentissage peut conduire à bien des aventures rocambolesques. Du dépôt de son manuscrit chez l'éditeur jusqu'à la consécration du prix de Flore, l'Auteur du Cantique de la racaille se met ici en scène à travers un récit irrésistible d'insolence. Et croque d'un trait noir les coutumes et les rites du petit peuple de l'édition : journalistes, éditeurs, attachés de presse, vedettes littéraires et créateurs de l'ombre...

Alors, on en pense quoi de cet essai ?

Que du bien. Mieux que ça : qu’est-ce que je me suis marrée ! Ce livre a plus de vingt ans, et il pourrait avoir été écrit hier tellement rien ne semble avoir changé. Vincent Ravalec fut en 1994 le premier lauréat du premier Prix de Flore, pour son ouvrage « Cantique de la racaille » : il a donc vécu cette ascension fulgurante qu'il dépeint avec tant d'humour et de réalisme. Dans cet essai sur la vie d’un jeune auteur qui « marche » et sa découverte du microcosme littéraire qui l’entoure, Ravalec fait preuve d’un grand sens de l’autodérision et de beaucoup de recul sur ce monde si particulier.

Tout le monde en prend pour son grade : les auteurs, les éditeurs, les journalistes, les attachés de presse, les organisateurs de salon... Même si beaucoup de choses ont changé avec l’arrivée des réseaux sociaux (notamment en termes de communication et de visibilité), le fond reste le même. Hormis pour les auteurs de best-sellers, qui restent une minorité, la vie des écrivains est loin de celle qu’on pourrait imaginer. Pour vous donner une idée, en 2018, plus de 68 000 nouveaux livres ont été publiés. Oui, c’est beaucoup. Et c’est ce qui explique qu’il soit si difficile pour les auteurs de se détacher du lot : avec une telle offre, il ne peut pas y avoir de la place pour tout le monde et la vie d'un livre est extrêmement courte. Parfois, de magnifiques écrits ne connaitront même pas le succès qu'ils méritent, faute d'avoir eu le temps de trouver leur publc. Les journalistes mettent toujours en avant les mêmes livres et les mêmes auteurs (il suffit de regarder les sélections de livres à lire pendant les vacances : presque 100% des médias recommandent le dernier livre de Virginie Grimaldi (qui est par ailleurs une autrice géniale) alors que très peu de journaux parlent de Ciao Bella qui fait pourtant l’objet d’un super bouche-à-oreille…).

A côté des auteurs qui ont la chance d’être visibles, se trouve la majorité des autres écrivains. Ceux qui galèrent. Ceux qui vendent seulement quelques centaines de livres, pas assez pour en vivre. Ceux qui se démènent pour faire connaître leur travail, qui écument les salons ou les librairies où ils doivent patienter pendant des journées entières devant une pile de livres qui ne descendra pas. Ceux qui ne sont jamais payés pour participer à des conférences (pire, qui doivent en être de leur poche !). Ceux qui espèrent, un jour, faire partie des auteurs « qui comptent ».

Tous ceux qui rêvent de devenir auteurs devraient lire ce très court ouvrage de Vincent Ravalec : une manière de savoir à quoi s’attendre et de ne pas être déçu par la réalité. Et surtout de garder un peu les pieds sur terre en ayant du recul sur tout ça !

Bref, un immense merci à Sylvie Yvert (qui a publié il y a quelques mois aux Editions Héloïse Dormesson le remarquable « Une année folle », dont je vous parlerai prochainement) de m’avoir fait découvrir ce livre ! Et pour le commander, il va falloir ruser un peu et l’acheter d’occasion car en neuf, je ne l’ai pas trouvé…