Bal des folles

Le bal des folles (Victoria Mas)

  • Le 18/02/2020

Le titre de ce roman m’a attiré l’œil tout de suite. La période à laquelle il se déroule également : la vie à Paris à la fin du 19ème me fascine… Il s’agit du premier roman de Victoria Mas (la fille de Jeanne Mas). Et l’on peut dire que cette jeune trentenaire a beaucoup de talent. Son ouvrage a été récompensé par prix Stanislas du premier roman, le prix Patrimoines BPE, le prix Première Plume et le prix Renaudot des lycéens (rien que ça). Et franchement, c’est mérité.

Le pitch de l’éditeur :

Chaque année, à la mi-carême, se tient un très étrange Bal des Folles.  Le temps d'une soirée, le Tout-Paris s'encanaille sur des airs de valse et de polka en compagnie de femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves et autres mousquetaires. Réparti sur deux salles - d'un côté les idiotes et les épileptiques ; de l'autre les hystériques, les folles et les maniaques - ce bal est en réalité l'une des dernières expérimentations de Charcot, désireux de faire des malades de la Salpêtrière des femmes comme les autres. Parmi elles, Eugénie, Louise et Geneviève, dont Victoria Mas retrace le parcours heurté, dans ce premier roman qui met à nu la condition féminine au XIXe siècle.

 

Mon avis sur la question :

Je le reconnais sans honte : je n’avais jamais entendu parler du « Bal des Folles ». Je ne savais pas non plus que la Salpétriêre avait hébergé un hospice et les travaux du professeur Charcot (mondialement connu pour avoir donné son nom à une maladie, celle dont souffrait notamment Stephen Hawking). Ce livre, plus qu’un simple roman, est avant tout une photographie de l’époque, une mise en lumière de la société du 19ème sièce (il n’y a pas si longtemps…) et de la place qu’on attribuait aux femmes à cette époque.

Sans vous raconter toute ma vie, sachez que ce livre m’a fait un effet très particulier pour des raisons liées à ma famille. En effet, mes arrières-grands-parents se sont installés dans un immeuble du boulevard Haussmann, proche du parc Monceau. Les scènes décrites par l’autrice lorsqu’elle raconte la vie de la jeune Eugénie m’ont troublée : j’avais l’impression que Victoria Mas décrivait l’appartement dans lequel j’avais grandi, la vie de mes ancêtres, avec les domestiques, les promenades au parc… C’est le Paris dont j’ai entendu parler par mes aieux que je découvrais au fur et à mesure des pages, et cette atmosphère me semblait à la fois familière et très éloignée.

En avançant dans la lecture, on comprend quelle fut la vie de quatre femmes : Louise, une jeune fille violée par un membre de sa famille, Thérère (une ancienne prostituée devenue un pilier de l’asile), Eugénie (jeune bourgeoise qui a un don très spécial qui dérange) et Geneviève (l’infirmière dure et dévouée qui travaille à la Salpétrière). Ces femmes se cotoient au jour le jour au mileu de toutes les folles, comme on les appelle. Mais qui sont-elles vraiment ? Voilà ce qui interpelle dans ce livre, tout cela est vrai : à l’époque, les femmes étaient internées de force dès qu’elles ne rentraient pas dans le rang. Aujourd’hui, on les accompagnerait, on les soignerait, on essayerait de comprendre (quoi que…), mais dans le temps, il suffisait qu’un mari ou un père veuille se débarrasser d’une épouse, d’une sœur, d’une fille gênante et on les enfermait derrière les murs de la Salpétrière au motif qu’elles étaient aliénées. Ces femmes faisaient l’objet d’une curiosité malsaine : elles fascinaient et effrayaient à la fois. Les gens se pressaient pour assister à des démonstrations d’hypnose et des expériences menées sur elles. Aujourd’hui, avec notre regard qui a évolué, toute cela semble choquant, incompréhensible, et pourtant, c’était il n’y a pas si longtemps…

J’ai adoré ce livre. Je l’ai dévoré en quelques jours et j’ai envie de le relire, pour m’imprégner de cette ambiance si particulière. Il m’a pourtant également énervée. A l’heure où l’on parle de plus en plus de la place des femmes dans notre société, je suis horrifiée de découvrir comment les femmes étaient traitées il n’y a encore pas si longtemps. Combien de destins ont été brisés, de vies gâchées ? Ce livre me rappelle plus que jamais que nous avons déjà parcouru beaucoup de chemin pour faire avancer les droits des femmes, mais qu’il reste encore énormément à faire…

Bref, un magnifique roman et une plume élégante : une écrivaine à suivre, c’est certain !