Livres covid

Les livres, victimes collatérales du coronavirus ?

Editeurs, auteurs, distributeurs, libraires… Pour une fois, tous les acteurs du monde du livre sont unanimes : la situation est alarmante. Alors que nous vivons cloîtrés chez nous depuis plus de six semaines, l’avenir du livre est fortement compromis. Avec la fermeture des librairies, c’est tout un secteur d’activité qui est touché et les conséquences de cette crise inédite risquent de se faire sentir pendant plusieurs mois, voire plusieurs années…

Tous les jours depuis le début du confinement, quand je promène mon chien, je remarque dans la rue une affiche pour le dernier livre de Leïla Slimani. Un roman qui est sorti peu avant le début du confinement : voilà donc près de deux mois que cette affiche ne sert plus à rien et la maison d’édition de Leïla Slimani va devoir mettre les bouchées doubles pour tenter de limiter la casse. Car la durée de vie d’un livre est souvent très courte : si un ouvrage ne trouve pas son public dans les quelques semaines qui suivent sa sortie, il passe à la trappe pour laisser la place aux autres. Alors bien entendu, je ne me fais pas de souci pour Leïla Slimani (avec un Goncourt en poche, on peut se douter que sa carrière n’est pas vraiment en danger), mais cette affiche me rappelle chaque jour le sort de tous ces écrivains qui galèrent et des petites maisons d’édition dont l’existence-même est menacée par cette situation à peine croyable que nous vivons…

Naïvement, je pensais, au début du confinement, que le livre sortirait grand gagnant de cette situation : des millions de gens enfermés qu’il faudrait occuper, quelle belle opportunité ! C’était avant d’apprendre la fermeture des librairies… Depuis, impossible d’acheter le moindre bouquin (il reste bien sûr les livres électroniques, mais cela représente une part minime de ce marché), alors forcément, c’est un désastre.

Depuis six semaines, il ne se passe pas un jour ne se passe sans que j’entende des nouvelles alarmantes de toutes parts. Du côté des maisons d’édition, ce n’est pas la joie : si les grandes maisons surmonteront cette crise, les plus petites, qui ne bénéficient pas de fonds propres, risquent de devoir mettre la clef sous la porte. Mais toutes seront impactées, et celles qui survivront devront certainement se séparer d’une partie de leurs salariés. Du côté des artistes-auteurs, dont la situation était déjà extrêmement précaire, cela devient carrément dramatique, au point que certains ne sont plus sûrs d’être en mesure de continuer à vivre de leur création. Sauf que sans auteurs, pas de livres… Et que dire de tous ces auteurs qui ont sorti leurs livres pendant le confinement ? Certains ont pu décaler les sorties de quelques semaines, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. Il y a bien sûr les auteurs installés, qui verront certainement une diminution de leurs chiffres de vente habituels (comme Tatiana de Rosnay, par exemple, dont "Les Fleurs de l’ombre" est sorti deux jours avant le confinement…) mais retrouveront sûrement leur public dès la réouverture des librairies. Mais surtout, tous ces nouveaux auteurs qui ont mis leurs tripes dans leur premier roman, en ont rêvé pendant des mois, ont attendu ce grand jour avec tellement d’impatience… Je l’ai vécu il y a un an tout juste, et je me souviens de cette immense émotion que j’ai ressentie en découvrant mon roman dans les rayons des librairies. Alors je suis vraiment triste pour eux, car il y a fort à parier que la plupart de ces livres finiront au pilon avant même d’avoir eu la chance d’être lus…

 

Que va-t-il se passer après le déconfinement ?

Voilà une question à laquelle j’aimerais tant avoir la réponse… Les librairies réouvriront, du moins celles qui auront survécu à ces deux mois de fermeture. Pour ma part, je me précipiterai dans ma librairie de quartier (qui n’a pas bénéficié d’un prêt d’un demi-milliard d’euros contrairement à une grande enseigne…) et j’achèterai plein de livres qui sont sortis pendant le confinement. J’ai notamment déjà prévu de commander plusieurs exemplaires du premier livre d’Agathe Chenevez, "Le temps d’une allumette", une merveille littéraire sortie juste avant le confinement et qui m’a bouleversée, afin de les offrir à mes proches (comme ça, en plus, ils auront de la lecture pour le prochain confinement qui nous pend au nez…)

L’offre de livres au cours des prochains mois va être énormissime : toutes les sorties qui ont pu être décalés seront mises sur le marché soit avant l’été (pile en même temps que le prochain Virginie Grimaldi, le nouveau Anne-Gaëlle Huon ou encore le dernier Joël Dicke, entre autres) ou lors de la rentrée littéraire de septembre, qui est déjà une période très chargée (évidemment, on prépare Noël…). Et avec cette profusion de livres, comment réussir à sortir du lot, à ne pas être noyé dans la masse (surtout face à des « monstres » de la littérature française !) ?

Mais c’est également l’ « après-après » qui m’inquiète. Le nombre de livres à paraitre dans les années à venir risque maintenant de décroitre (ce qui, en soi, n’est pas une mauvaise chose : il en sort des centaines par mois, ce qui est beaucoup trop !) mais le revers de la médaille serai une offre littéraire appauvrie à la fois par la disparition des auteurs et des maisons d’édition fragilisées qui ne miseraient plus que sur des « valeurs sûres ».

Bref, je suis inquiète… Tout ce que je peux espérer, c’est que les Française seront nombreux à soutenir la création littéraire et à se rendre dans les librairies de quartier pour soutenir cette industrie du livre si menacée….